Parcours atypique d’une battante : Maria Barile (1953-2013), une pionnière dans le mouvement de lutte pour les droits des femmes et des filles handicapées.
Le 24 juillet 2013, Mme Maria Barile nous quittait pour toujours. Un décès prématuré qui en aura choqué plus d’un ! Voilà 6 ans que tu nous as quittés Maria et je réalise de jour en jour à quel point cette perte nous fait mal ! Nous n’avons pas eu le temps de bien apprécié tout ce que tu avais à partager, et pourtant ta générosité n’avait d’égale que ta disponibilité et ton empressement de répondre présente pour chacune de nous !
Ce 24 juillet 2019 marquait la 6ème année de ton départ ! Il marque un moment de recueillement pour certain.es mais surtout un moment de rappel ! Nous aimerions rappeler qui était Maria, nous aimerions partager nos histoires mais nous aimerions surtout célébrer ton héritage. Une des grandes dames qui a façonné la trame du mouvement des personnes handicapées et celui des femmes à sa manière. Avec sa voix et surtout sa plume elle a réussi à faire bouger de nombreuses barrières mais en a aussi fait tomber certaines. Son implication et son travail depuis près de 37 ans dans ces mouvements, au Canada et au Québec, a eu un impact certain sur l’avancement de ces groupes souvent marginalisés.
Partie de son Italie natale à l’âge de 11 ans et dès son arrivée au Québec en 1963, Maria Barile avait compris qu’elle devait prendre sa place et que rien ne lui sera facile. Elle a été un modèle de persévérance et de ténacité, témoignant que le handicap ne pouvait limiter l’ambition et l’avancement. Elle aura été celle par qui le changement pour des centaines de femmes handicapées a été possible.
‘’Grâce à Maria, nous sommes des centaines d’autres femmes handicapées en train de continuer le travail. C’était elle qui les a soutenues et inspirées. Grâce à Maria, des organismes des personnes handicapées, et des organismes d’état ont dû faire face à une vraie implication des femmes handicapées. Grâce à Maria, des filles aujourd’hui vivent leur handicap pleinement sans s’excuser. Quand une femme ou une fille handicapée est victime de violence, dans les institutions ou dans sa famille, elle a maintenant plus d’écoute et de services qu’elle aurait eus avant. Maria était un vrai catalyseur du changement social.’’ (Louise Baron. Témoignage recueilli par Selma Kouidri
Ayant dénoncé haut et fort toutes les formes de violence et de discrimination envers les personnes handicapées surtout les femmes, elle aura contribué grandement à briser le silence assourdissant sur cette réalité. La violence et la maltraitance parfois institutionnalisées ne pouvaient être ignorées. Elle en a fait son cheval de bataille et n’avait ménagé aucun effort pour que cessent ces violences. Elle a été l’une des premières voix à affirmer que la sécurité des femmes handicapées passait systématiquement par l’accès à l’éducation et l’acquisition de leur autonomie financière. Elle était une icône incontestable de la lutte pour les droits des femmes et des personnes handicapées au Québec et au Canada.
Tout au long de sa vie, Maria Barile a été amoureuse du savoir. Toujours en quête de nouvelles connaissances. L’éducation continue pour elle était une forme de militantisme. Fait marquant : Maria a fait des études supérieures à une époque où les personnes handicapées étaient généralement exclues des classes régulières. Son parcours scolaire atypique aura sans aucun doute permis de croire que tout serait possible et a ouvert la porte à de nombreuses personnes handicapées.
Atypique pourquoi, me direz-vous? En vérité son parcours n’a pas été des plus faciles. Au début de sa scolarité, Maria a fréquenté le centre Mackay, une école pour les enfants sourds et malentendants. Cette expérience lui avait permis, entre autres, d’apprendre une nouvelle langue (American Sign language ASL) mais l’aventure s’est terminée abruptement puisqu’à l’âge de 18 ans son parcours scolaire était terminé.
Maria Barile aimait à dire que la militante en elle s’est imposée le jour où elle a décidé de poursuivre ses études secondaires par correspondance. Le jour où le Centre MacKay (école pour malentandant) lui avait signifié à l’âge de 18 ans, qu’elle avait atteint sa limite de scolarisation. Cette période marquait le début d’un long parcours atypique souvent parsemé de petites victoires, de grands défis, de nombreux obstacles mais d’une grande détermination qui a permis une grande prise de conscience collective.
Elle a été une vraie actrice du changement. Depuis le début des années 80, elle s’est impliquée activement dans différents mouvements de défense des droits mais aussi dans de multiples actions porteuses du changement. Elle a été la première femme à mettre sur pied, au Collège Dawson, le premier groupe de soutien pour les étudiants handicapés. Déjà, elle n’attendait pas que l’on adapte les environnements, elle créait des environnements adaptés et inclusifs.
« Les changements sociaux ne se font pas en suivant les mêmes structures qui excluent les gens, mais plutôt en les remplaçant par des structures plus égalitaires. » Maria Barile
En outre, Maria Barile a milité pour que l’on reconnaisse l’identité de femme handicapée dans toute sa diversité. Il était important pour elle et pour d’autres militantes de définir l’Empowerment pour les femmes handicapées qui ne peut être dissocié de leur réalité et de leur condition. S’identifier comme Femme handicapée d’abord et avant tout est sans aucun doute une revendication forte et une déclaration pour la reconnaissance de cette réalité et l’exercice des droits humains, acquis pour toutes les femmes.
Enfin, Maria Barile a été parmi ceux et celles qui ont ouvert la voie, il est important que nous puissions nous souvenir mais surtout que nous poursuivions sur cette même voie en ajoutant nos voix et nos actions. Son héritage est pour toute personne qui aspire à une justice sociale, une participation citoyenne libre et à entière et une inclusion sociale et économique pour toutes et tous une source intarissable de force, de persévérance et d’actions porteuses à faire connaître.
En ce 24 juillet 2019 j’aimerais te dire Maria que oui ton travail a porté, oui nous vivons des changements exceptionnels, oui l’équité est maintenant une priorité pour atteindre l’égalité de fait et l’inclusion pour toutes et tous ! Mais, je ne peux pas te le dire encore, on a encore du pain sur la planche. Je crois quand même que tu aurais été contente de voir qu’en avril 2017, le Comité des droits des personnes handicapées (CRPD-CDPH) faisait, au Canada, la recommandation suivante : « De définir des critères en vue de lutter contre les formes multiples et croisées de discrimination au moyen de lois et de politiques publiques, notamment par des programmes d’action positive en faveur des femmes et des filles handicapées, des autochtones handicapés et des migrants handicapés, et d’offrir des recours utiles lorsque ce type de discrimination se produit ».
En terminant, en ce 24 juillet 2019, Maria je peux te dire que ton message est toujours aussi pertinent et l’écho de ta voix est retransmis par des centaines d’autres. Je peux te dire qu’en tant que mentor tu en a inspiré plus d’une. Grâce à toi nous avons l’honneur d’annoncer la fondation de l’Institut National pour l’Équité, l’Égalité et l’Inclusion des personnes en situation de handicap qui se donne pour mission : offrir des services et programmes afin de contribuer activement à l’élimination de toute forme de violence et de discrimination tout en faisant la promotion de l’équité pour atteindre l’égalité et l’inclusion de toutes et tous. Cet institut est donc fier de la création d’un fonds en hommage à Maria Barile qui fait la promotion de la persévérance scolaire et entrepreneuriale pour les personnes en situation de handicap. Nous espérons ainsi porter le flambeau que nous passerons aux générations à venir qui auront peut-être le loisir de vivre dans une société juste, égalitaire et inclusive exempte d’obstacles quels qu’ils soient.